C’est Bertrand Lemarchand qui m’a mis sur la piste : « Il y avait un atelier chanson, dans la banlieue de Rouen… ». Allain Leprest y avait fait certaines rencontres décisives, et je me suis dit qu’il fallait creuser par-là. Annie et Didier Dégremont ne m’étaient pas inconnus : je savais qu’ils avaient été en concurrence avec lui à Bourges, et que leur amitié s’en était trouvée (apparemment) compromise. C’était trop peu. L’idée du livre étant de questionner des artistes sur les rapports créatifs avec Leprest, sans négliger d’évoquer leurs parcours respectifs (pour voir comment cette rencontre avait pu les marquer), j’ai donc, avant de croiser Annie et Didier, cherché à écouter leurs disques pour avoir une base de travail. Elle m’a envoyé une compilation intitulée « Ballade en vos mémoires » reprenant 14 extraits de leurs albums. Lorsque la première chanson, « Ils parlent », a résonné chez moi (et en moi), j’ai su que j’avais fait bonne pioche…
La récolte a été au-delà de mes espérances : deux beaux entretiens formant l’un des chapitres les plus émouvants du livre ; des trésors exhumés (Didier conservait manuscrits et enregistrements) qui ajoutent un pan entier au corpus leprestien, documentant une phase jusque-là méconnue de son évolution artistique – notamment de passionnantes coécritures inédites. Mais mon plus vif plaisir a été de contribuer, même modestement, à la redécouverte de leurs chansons à eux, qui n’avaient finalement rien à envier à Leprest en termes de beauté et d’inspiration. Avoir été mis en concurrence à Bourges semble, avec le recul, aberrant : leurs univers artistiques étaient trop éloignés pour être comparés. Aujourd’hui que ce site existe, on va enfin pouvoir réévaluer cette œuvre émouvante, d’une chanson folk « à la française » portée par des harmonies vocales dignes de Simon & Garfunkel – mais avec une écriture toute personnelle.
Nicolas Brulebois, 12 avril 2015